Prof. Paul Casanova, Paris, 1911-1912

HA VI. Nachl.C.H.Becker. Rep.92 Becker C.

19. C.H.Becker an Professeur Paul Casanova, Collège de France, Paris. Hamburg, 28.12.1911

(Maschinenkopie)

Monsieur et vénérable Collègue,

Permettez-moi de vous exprimer ma plus vive reconnaissance de votre importante publication. Mohammed et la fin du monde. J’ai mis tous mes autres travaux de côté pour l’étudier avec empressement. Vous avez émis une thèse originale qui escritera une discussion prolongée. Malheureusement je ne pourrai pas suivre vos pas, si séduisantes que soient vos idées. Je pourrais me taire, mais je tiens le silence pour un mauvais service à rendre à un homme de votre compétence et érudition. Vous voulez que vos idées gagnent le monde. Eh bien, y-a-t-il un moyen plus efficace que de les discuter ? C´est pourquoi je suis sûr que vous ne m’en voudrez pas mon opposition dictée par le respect pour votre personne.

Veuillez agréer, Monsieur le professeur, l’assurance de ma reconnaissance sincère et l’expression de mes sentiments les plus distingués et respectueux. (C.H.B.)

 

20. Paul Casanova an C.H.B. Paris, 1er janvier 1912

Monsieur et très honoré Collègue,

J’ai reçu avec grand plaisir votre lettre du 28 décembre. Ne craignez pas que je m’offense de la discussion. Du moment qu’elle porte uniquement sur les idées que j’expose et n’ai d’autre but que d’apporter une contribution à la vérité, je suis le premier à me réjouir. En effet, ou bien elle procurera d’autant plus que j’ai raison, et j’en serai très fier. Ou bien, elle établira que j’ai tort, et mon erreur aura servi à bien remettre en évidence la vérité de la thèse opposée, et alors, j’aurai indirectement contribué à ce résultat utile à la science.

Puisque vous ne paraissez pas favorable à ma thèse, permettez-moi de vous faire remarquer que ce n’est pas moi qui l’ai inventé, et que les expressions, en parlant de Mohammed (ici suit une ligne en arabe) sont très fréquentes, ainsi que d’autres expressions similaires, que je rappellerai dans la seconde partie. Si ces expressions sont fausses, elles n’ont pu être inventées à l’époque où on était convaincu que la fin du monde et la mission de M(ohammed) compromettants (Nota:encore moins après). Elles sont donc antérieures à la doctrine contraire. Elles reflètent donc les premières idées des Musulmans, celles qui guidèrent la recherche des (en arabe: fehlt). Est-il alors croyable que les premiers Musulmans aient été si ignorants de la doctrine du Prophète? S’ils ont été si ignorants, ceux qui les ont suivis ont dûs altérer encore bien plus la vraie doctrine. Alors que reste-t-il? Il reste le Coran, direz-vous. Mais si les premiers Musulmans et les autres ont altéré la vraie doctrine, pourquoi le Coran serait-il moins altéré ? Et comment croire que le Coran ait été altéré, si on n’avait pas des raisons sérieuses de le faire. Enfin, nous savons qu’Omar (d’après Ibn Hi Châm) soutenait ma thèse. Abu Bekr la combattit évidemment pour des raisons politiques. Etait-il sincère ? Il est difficile d’admettre qu’Omar fût de si mauvaise foi ou si ignorant ! Il est facile d’admettre qu’Aou Bakr fût dissimulé et habile. Je me sui rangé du côté d’Omar ; vous, à ce que je vois, êtes pour Abou Bakr. La grande querelle va recommencer. Omar se défendra, cette fois.

Veuillez agréer, Monsieur et très honoré Collègue, l’hommage de mes sentiments les plus respectueux et dévoues.

Paul Casanova.

 

21. Paul Casanova an C.H.B, Hamburg. Paris, 17.1.1912

Mes remerciements pour l’intéressante Christliche Polemik, etc. Paul Casanova

 

22. Paul Casanova an C.H.B. Arcachon, 2.9.1912

Cher Monsieur,

Je vous remercie de m’avoir envoyé votre comte-rendu si intéressant sur la littérature relative à l’islam. J’y ai vu votre appréciation sur mon livre. Vous m’aviez prévenu, aussi n’ai-je pas été surpris du ton peu indulgent de votre critique. Vous êtes vraiment sérieux ( ?) pour le gelehrter qui se permet d’avoir sur l’islam d’autres idées et d’autres méthodes que Goldziker et Sowsuck Hungrosny. Ce qui me console, c’est que vous admettez vraiment que Mohammed a annoncé dans les premiers sourats la proximité de la fin du monde. C’est dit par S.Hungrosny. Alors qui pourrait la nier? Pas moi, toujours. Car si M(ohammed) y a cru d’abord, qu’on m’explique pourquoi il n’y aurait plus cru ensuite, et non (?illisible, weggelocht) seulement il n’y aurait plus cru, mais il aurait été sûr qu’il mourrait avant! Or Dieu lui avait révélé qu’il ne savait pas ce qui en serait de l’heure. Donc, il aurait changé d’idée sur ce point. Moi je dis : il n’en a jamais changé, et les Musulmans n’en ont changé qu’après sa mort. Vous dites que j’ai fait des hypothèses. Non certes; je vous l’ai écrit. Je n’ai fait que développer la théorie d’Omar qui, lui, a changé d’idée après la mort de Mohammed. Je dis que Omar avait raison d’abord, car si Mohammed avait, pendant sa vie, changé d’idée, Omar aurait changé avec lui – ou aurait abandonné l’islam. J’ai dit (conformément à Ibn Babouweich) que la thèse d’ Omar contenait le mahdisme en germe et qu’elle en était le vrai islam. Il n’y a pas l’ombre d’une hypothèse dans tout cela. Tout ce que j’avance est fondé exclusivement sur des textes, les uns déjà connus de Sprenger (?) de S. Hungrosny, etc., les autres réunis, pour la première fois, par moi pour établir que ma thèse a été celle des premiers Musulmans : (arab. Ausdruck), et qu’elle a été abandonnée par des nécessités politiques. Vous n’avez peut-être pas été tout à fait impartial en négligeant d’indiquer que si je n’avais pas pour moi Goldziker et S. Hongrosny, j’avais Omar etc., sauf Abu Bakr, tous les Musulmans de Médina, au moins pendant quelques temps. Ce sont des autorités sur lesquelles un gelehrter a quelque droit de s’appuyer. Vous me direz qu’ils ont reconnu leur erreur. Je vous répondrai que les circonstances dans lesquelles ils ont si radicalement changé de doctrine sont suspectes, et que l’enquête que j’ai faite, depuis plusieurs années sur cette question m’a conduit à mon livre. Tout le débat est là. Les (illisible, puis en arabe). Dire le contraire est possible. Reste à le prouver.

Veuillez agréer, cher monsieur, l’assurance de mon profond dévouement Paul Casanova