Pierre Bertaux, 1928-33

HA.VI. Nachl. C.H.Becker. Rep.92 B. Nr.6407

421. Pierre Bertaux an C.H.B. Paris-Sèvres, 25.5.19281

Monsieur le Ministre,

Sans aucune hésitation je vous aurais imposé mon mauvais allemand, si je n’avais été pris de honte devant vous qu, sans être spécialiste, possédez si bien notre langue, et, mieux, l’esprit de notre langue. Vous auriez dit assurément que j’avais bien mal mis à profit mon séjour à Berlin, et pourtant je crois qu’il m’a été utile à beaucoup de points de vue. J’ai vu beaucoup de choses que je ne soupçonnais guère, rencontré nombre de personnes très intéressantes, mais d’après les rares occasions que j’ai eues de vous rencontrer, je suis sûr que c’est vous seul qui auriez pu me donner certains éclaircissements dont je suis très curieux, certaines clefs; mais on n’ose prendre sur le temps d’un ministre, encore moins d’un ministre tel que vous. Mais ces rares rencontres n’avaient fait pressentir que je pouvais entendre de vous avec fruit certaines choses, que par conséquent un certain – et très bel-humanisme qui rattache les intellectuels des pays différents, mais qui rattache aussi les jeunes générations aux aînées, est possible, et même se réalise. Certaines choses ne seraient-elles pas expliquées par ce fait que les jeunes Allemands ignorent les anciennes générations, plus encore qu’ils ne se dressent contre elles ? Je sais que cela a bien d’heureux résutats, ne serait-ce que celui-ci : lorsque par hasard ces jeunes gens découvrent un ‘ancien’, ils l’arrachent à son temps, lui prêtent de leur vie, font de lui leur contemporain : tel Georg Büchner, que j’ai découvert une seconde fois à la bibliothèque de l’Ecole Normale. Je suis heureux de voir se créer à cette Ecole une atmosphère de curiosité sans frontières qui me plaît; et j’ai piloté récemment et présenté aux camarades quelques représentants de la «Jugendbewegung» actuellement en tournée à Paris. Je me suis fort bien entendu avec eux; entre nous les dissentiments, quand il y en a, sont moins grandes que ceux qui nous séparent de personnes qui ont pour elles l’autorité de leur nom, de leur âge, de leur situation. J’ai cru m’en apercevoir récemment à Berlin, dans une discussion avec un Allemand qu’un beau dédain de la vulgarité amène à mépriser tout internationalisme des masses, et le cosmopolitisme. Il voulait réserver le contact de peuple à une élite intellectuelle – au nombre de laquelle j’étais flatté de m’entendre compter, sans que cela puisse changer mon opinion – et pensait, que je, pour arriver à l’inter=nationalisme, il faut partir du nationalisme, qu faut craindre par dessus tout de perdre ses qualités nationales, donc qu’il faut s’efforcer d’abord et pour longtemps de les cultiver exclusivement dans la masse, de les porter à leur perfection. Sans nier pour ma part la vertu des qualités nationales, j’ignorais qu’elles fussent chose si fragile, qui se laisserait si facilement effacer, et qui ne supporte pas le contact de l’air extérieur.

J’espérais vous voir avant mon départ; j’aurais été très heureux, en prenant congé de vous, de vous dire ma reconnaissance de ce que vous avez fait pour moi et de votre sympathie, et de la gratitude que j’ai à l’Université de Berlin de son charmant accueil. Malheureusement j’ai été rappelé par ma mère souffrante, et j’ai dû quitter Berlin dans les vingt-quatre heures. J’espère que vous ne m’en voudrez pas, dans ces conditions, d’avoir remis en Novembre ma visite, si du moins vous ne passez pas pour Paris d’ici là.

Je vous prie de me croire, Monsieur le Ministre, votre très respectueuse dévoué

Pierre Bertaux.2

 

422. Pierre Bertaux an C.H.B. Sèvres, 4.5.1929

Monsieur le Ministre,

Avent de partir, mes tentatives pour vous joindre, ne fût-ce qu’au téléphone, ont été vaines; j’étais désolé de quitter Berlin sans vous avoir revu, mais ainsi en avait décidé le Landtag.

Arrivé ici, je me suis occupé du séjour de votre fils en France; voici ce que dès à présent j’ai trouvé pour lui:un de nos amis, qui fut mon professeur, Monsieur Travers, accueillerait volontiers votre fils. Monsieur Travers est professeur de langue et de littérature anglaise au Lycée Louis-le-Grand et à la Sorbonne: il habite à Versailles une jolie villa avec un jardin très agréable. Déjà d’un certain âge, Monsieur Travers a trois enfants, un fils marié qui ne vit plus à Versailles, et deux filles, qui toutes deux enseignent, et vivent avec leur père ; elles sont vives, sympathiques, et je suis persuadé qu’elles seraient d’un grand secours à votre fils, puisqu’il veut apprendre le francais en la parlant.

M. Travers est un esprit profondément distingué, et d’une immense culture, ponctuée d’une ironie parfois mordante ; votre fils, s’il aime à discuter, aura affaire à forte partie.

Pour ce qui est du prix de la pension, M. Travers donnerait tous ses soins à votre fils pour 2.500 francs (environ 400 M) par mois ; il n’a pas l’habitude de prendre des pensionnaires, et il s’y est résolu cette fois sur la prière de mon père ; mais son dévouement m’est bien connu, et je sais qu’il aura à cœur de faire tout pour que votre fils fasse son séjour à Paris dans les meilleures conditions.

Si votre fils venait pendant le mois de juillet, je me ferais un plaisir, vous le savez, de m’occuper de lui tout au moins pendant la première quinzaine ; Versailles est à vingt-cinq minutes de paris, et je suis à mi-chemin.

Au cas où cela ne vous conviendrait pas, dites le moi simplement, et je chercherai autre chose.

N’accompagnez-vous pas votre fils, ne serait-ce que pour deux jours ?

J’attends votre décision ; je suis cher Monsieur et Ami, votre très respectueusement dévoué Pierre Bertaux.

423. Pierre Bertaux an C.H.B. Sèvres, 6.11.1929

Monsieur le Ministre,

L’automne cette fois ne me ramènera pas à Berlin, la Sorbonne va me garder cet hiver, ce printemps, jusqu’au mois d’août prochain où je passerai l’agrégation.. Mais je suis très occupé à recréer autour de moi l’Allemagne, l’Allemagne vivante cède seulement pour que temps la place à l’Allemagne éternelle, et si je dois renoncer à vous voir, c’est votre collègue Wilhelm von Humboldt qui en est directement cause, et son ‘Versuch, die Grenzen der Wirksamkeit des Staates zu bestimmen’. J’abandonne provisoirement Hölderlin:mon étude sur ‘Empedokles’ a eu à la Sorbonne un succès in espéré, et j’étais très satisfait de cette consécration universitaire de mes années à Berlin. Maintenant Goethe, Humboldt, les lyriques romantiques, Nietzsche, Wagner vont occuper mon temps.

Avant une année qui s’annonce dure, j’ai pris des vacances mouvementées, et qui furent riches en expériences. Cela a débuté par un pèlerinage à St.Jacques de Compostelle. Croyez bien que je l’ai fait pénétrer d’un profond sentiment religieux, sentiment qui ne fut pas le moins du monde entamé, bien au contraire lorsque j’appris de Miguel de Unamuno que les reliques vénérées étaient celles de l’hérétique Priscillien ! 2000 kilomètres de routes seules avec Dieu, les Espagnols, et les paysages, les plus nobles de l’Europe occidentale, enfin la splendeur de Santiago de Compostela, m’ont convaincu que l’Eglise catholique fut jadis la plus puissante et la plus astucieuse organisation de tourisme qui soit – et si je devais en ma vie ne faire qu’un voyage, je crois que c’est celui-là en effet que je ferais.

Une autre excursion en Espagne, non plus en auto, mais à pied dans les montagnes de l’Aragon, m’a révélé l’existence de cette vertu qui se nommait autrefois hospitalité et je fus ému d’être traité en frère par les montagnards de la province de Huesca.

J’eus aussi ces vacances des divertissements plus intellectuels. Pierre Viénot vous a certainement parlé de cette organisation amusante, hybride de monastique-mondain et de littérature que sont les décades de Pontigny. Mais c’est précisément en cet endroit que, songeant à ce que vous me disiez il y a deux an, je me sui senti bien peu intellectuel.. Car les 6000 kilomètres que j’ai parcourus en France et en Espagne et quelques heures avec des amis ici et là m’ont laissé les souvenirs les plus chers de ces vacances.

J’espère que votre fils s’est plus à Lausanne où vous vouliez l’envoyer. S’il prenait fantaisie d’essayer en France le francais qu’il vient d’apprendre je compte que vous n’oublierez pas de m’en prévenir. Mais vous-même, n’ose-t-on espérer qu’un jour…… ? Ce serait mon seul espoir de vous voir d’ici quelque temps, car il me faut renoncer pour deux ans sans doutes à contempler le feu de bois de votre cheminée.

Croyez bien, en tout cas, Monsieur le Ministre, que je garde fidèlement les anciens souvenirs, et que je suis et serai votre très profondément et respectueusement dévoué Pierre Bertaux.

424. Pierre Bertaux an C.H.B. Sèvres, 11.11.1930

Monsieur le Ministre,

Il me devient d’autant plus difficile de vous écrire qu’il y a plus longtemps que je me promets de le faire, et plus de chances pour que vous m’ayez complètement oublié.

L’année dernière a été dure. J’ai préparé l’agrégation, que j’ai heureusement passée en juillet, mais qui ne m’a laissé aucun loisir. Par ailleurs j’ai été secoué assez durement, et je songeais quelquefois à vous, à cet état que vous critiquiez, dont je ne sais s’il existe vraiment, où la faculté de sentir et de souffrir est abolie au profit de l’intellect – et cet état me paraissait désirable, et bien lointain. Une de ces épreuves a été une vive amitié pour un jeune étudiant berlinois, Gerhard Metz, intelligent, cultivé vraiment, délié, d’une sensibilité extrême, d’une grande richesse de cœur, et que je n’ai pu empêcher de se suicider. C’était chez lui une hantise maladive, qu’il connaissait pour telle, et contre laquelle, un jour où je ne me trouvais pas là, il n’a pu résister seul. J’ai u faire pour lui mort ce que je n’avais pas réussi à faire avant; j’ai tâché de rendre ainsi à l’Université allemande un peu de ce qu’elle a fait pour moi.

J’avais les nerfs à bout au mois d’août, quand nous sommes partis pour de longs voyages. Ces années-ci, nous avons traversé l’Espagne un peu dans tous les sens avec ma petite voiture ; je me suis fait des amis que je compte parmi les meilleurs chez les montagnards aragonais ; j’ai vu de palmiers d’Elche. Sentimentalement, l’Espagne m’attire plus directement que l’Allemagne. C’est un pays de vacances, où la vie est merveilleusement simple, sans problèmes.

Au retour, j’ai commencé mon service militaire. Il m’a été possible d’échapper aux exercices, que j’apprécierai, plus s’ils étaient franchement physiques, et de me faire nommer à Paris dans un bureau. Cela me permet d’avoir une vie normale, civile, libre, et de m’informer un peu sur les choses d’Allemagne qui, malgré tout, font mon véritable intérêt. Je réserve pour l’année prochaine le travail scientifique, une thèse sur Hölderlin, et j’essaie de me mettre un peu au courant des questions politiques et économiques.

Cela vous permettra de voir combien je suis peu militaire :je me préoccupe d savoir ce que je deviendrai, ce qu’on fera de moi, ce qu’on fera de notre pauvre Europe. Je m’aperçois qu’il faudrait savoir bien des choses pour réaliser mon ambition, de vivre vraiment en être conscient qui, s’il ne peut pas grand chose sur ce qui se passe, connaît du moins ce qui se passe.

J’ai beaucoup entendu parler de Monsieur Massignon par un de ses élèves, un ami de l’Ecole Normale, arabisant, qui a beaucoup d’admiration pour son maître. Cela me faisait souvenir de tel jour, au coin de feu, à Unter den Linden.

Vous avez dû apprécier d’avoir enfin des loisirs. Cela ne vous permettrait-il pas de passer en France ? Je pense que que j’en serais prévenu par mon ami Pierre Viénot, et je ferais alors l’impossible pour me mettre sur votre passage.

Il m’est interdit de passer la frontière d’ici un an : j’accompagne de mes vœux et de mes regrets ceux de mes amis qui vont à Berlin, dont j’ai quelquefois la nostalgie – chose que les Berlinois, je ne sais pourquoi, ne veulent pas comprendre.

Excusez-moi, Monsieur le Ministre, de m’être rappelé à vous, et de l’avoir fait si tardivement. Peut-être cela me vaudrait-il mon pardon si vous saviez combien sont présentes les marques d’amitié que vous avez daigné m’accorder, et combien je vous suis resté très profondément et très respectueusement dévoué. Piere Bertaux.3

 

425. Pierre Bertaux an C.H.B. Sèvres, 26.( ?)7.1931

Monsieur,

Il est difficile de vous écrire. Ou me suis-je rendu, par exigence; la tâche plus difficile qu’elle n’est?. N’importe, je me lance à la nage.

Ma candidature à la Fondation Thiers a abouti. Le vivre et le couvert – dans un hôtel particulier du quartier de la Muette – me sont assurés pour trois ans. Il me semble avoir trompé moins encore que je ne croyais le Conseil en lui affirmant mon impatience de me mettre au travail, et de poursuivre mes recherches. Il me semble décidément indispensable, avant toute vie active, d’être, ou plutôt de devenir quelqu’un, conscient de soi et calme, et ma voie, pour aller à cela, est encore celle des travaux scientifiques. Je dirai, avec l’esprit d’acceptation de certains Allemands: «Es ist nun einmal so», cet ordre de préoccupations est la plus capable de m’absorber et de me satisfaire. La façon dont je m’y engage me fait espérer d’ailleurs que je ne serai pas toujours un contemplatif. Dans trois ans, et même d’ici là, je ferai ce que je voudrai, et avec d’autant plus d’autorité, de facilité à être satisfait que j’aurai déjà derrière moi quelque chose comme ce «Hölderlin» dont je rêve.

J’ai agité beaucoup cet ordre de réflexions, la semaine dernière, en allant dans les Ardennes, passer quelques jours avec notre ami Pierre Viénot. Je venais d’apprendre la mort de Gundolf. J’avais emporté votre livre sur l’Islam, pour en continuer la lecture, qui en sera achevée, il serait présomptueux de dire bientôt, mais un jour certainement; car sans doute, j’avais tout à apprendre sur l’Islam, mais il restait encore dans mon attention une petite place réservée à l’auteur du livre. Il n’ est pas nécessaire de préciser comment, de là, je passais à des réflexions sur ma propre existence.

Mais la vie même de Viénot m’a confirmé dans ma façon de voir. Je crains beaucoup pour lui – me permettez-vous cette confidence? – qu’il ne souffre, aujourd’hui déjà et bientôt plus encore, de n’avoir pas de métier, de manquer de cette assiette que donne la possession d’une technique où l’on est maître. Grâce à sa force de caractère, et, je pense, à l’appui de sa femme, il surmontera ce risque. Mais je suis moins sûr de moi que de lui. Ce n’est pas un métier que d’être un homme intelligent, et, je craindrais de devenir un «Jack-of-all-trades», bon à tout, propre à rien.

Je vous demande pardon, mais votre sympathie vous attire ces confidences, ces annonces de résolutions que d’ordinaire je garde pour moi. Votre sympathie, et la chaleur de votre présence. Si peu que nous nous soyons vus cette fois, cela m’a donné beaucoup d’élan, un élan qui n’est pas encore épuisé, et que votre lettre est venue renouveler. Je suis extrêmement content de vous savoir à Paris l’hiver prochain pour quelque temps ; je serai moi-même là, et libre d’organiser mon temps a ma guise. Je vous en consacrerai – tout ce qui ne vous encombrera pas.

Car, quel que soit l’effort pour arriver en peu de temps à l’intimité, et peut-être à cause de cet effort, on n’évite guère quelque chose de tendu, dans la confiance même – quelque chose de tendu, que j’aime voir se dissiper – peut-être par un condamnable goût de la mollesse et de l’abandon; mais je ne m’inquiète pas trop de ce que je trouve en moi de condamnable. Je fonde de grands espoirs sur ce mois de Février.

Chose curieuse, quelques jours après votre départ, j’entendais par hasard (par un quelconque camarade de bureau fils de journaliste) d’une mission pédagogique en Chine, à laquelle un certain Monsieur connu était fort désireux de participer. Peut-être s’agissait-il de la vôtre. Bien que cela n’ait pas marché pour moi, cela m’a permis d’espérer qu’un jour peut-être des occasions semblables se représenteraient – encore que je doive probablement regretter toujours cette admirable et unique conjonction: vous – et la Chine. Je devrai remplacer cela par un petit voyage en Allemagne d’une quinzaine de jour, mais vous serez loin.

Mon père vient de faire des conférences à Cologne, Marburg et Leipzig ; il a même passé quelques heures à Berlin, just au moment de la crise. Je l’enviais beaucoup de n’être pas militaire, et de pouvoir circuler ainsi. Je me suis contenté de suivre d’aussi près que le permettait la presse, et avec une grande émotion, les événements récents. Le sentiment de l’impuissance où l’on est paraît quelquefois pénible, et on serait tenté de se cantonner dans des spéculations à plus longue échéance ou plus abstraites. Mais je crois qu’une organisation de l’existence un peu subtile – témoin la vôtre – permet de mener tout de front, et de plus de réaliser quelque chose.

En me relisant, je trouve que je n’ai pas du tout dit ce que je voulais, et je suis convaincu de ma maladresse dans l’art épistolaire. Veuillez me la pardonner, et senti seulement sous la gaucherie une profonde et respectueuse affection, qui se traduit par beaucoup de confiance et de bonheur. Votre très dévoué Piere Bertaux.4

 

426. Pierre Bertaux an C.H.B. z.Z. in Ferien in Lescur, 10.8.1931

Le mot ‘Monsieur’ n’avait pas été placé là étourdîment. Mais une règle – dont je saisis pas très bien les motifs – veut qu’une lettre commence et finisse, comme si chaque fois on pouvait envoyer un « Paquet » achevé de pensées, ou comme si c’était un genre littéraire aussi rigide que le sonnet. S’il faut respecter la convention, je pusse le respect jusqu’à vous écrire « Monsieur », songeant d’ailleurs qu’on a bien tort de se gausser des Jansénistes, qui arrivaient, après quarante ans de fréquentation journalière, à une probablement bien grande intimité, et se donnaient du « Monsieur » au dernier jour comme au premier. C’est là d’ailleurs une expression simple, correcte, de bon goût, et qui ne préjuge en rien des sentiments. C’est à cela surtout que je tenais.

Naturellement je serais extrêmement heureux si vous aviez la bonté de me porter sur la liste de vos amis. J’aurais ainsi un peu le sentiment que je vous accompagne. Cela m’inciterait aussi sans doute à vous écrire, – ce que je ferai certainement de toute façon. Si même quelque chose devait me retenir de le faire, j’aurais une raison décisive de vous écrire: la crainte de perdre votre faveur, qui m’est devenue tout d’un coup si précieuse.

Comme tous les ans, je suis venu à Lescur, retrouver des choses de la plaine une perspective cavalière, opérer des reclassements, des regroupements – ou plutôt laisser tout cela se faire pour moi, grâce aux vertus de l’altitude, des eaux et des roches. Le temps, pour l’instant, est humide et froid, il neige sur les hauteurs. On somnole devant le feu de bûches, en laissant passer les après-midi. Si ce temps continue, je passerai la frontière, j’irai chercher le soleil sur le versant espagnol. Je rentre à Sèvres le 22 Août; vous n’avez pas songé à prendre le bateau à Cherbourg? Je quitterai le service fin septembre, et m’installerai à la Fondation Thiers pour trois ans. Voici les cadres de mon existence. De quoi sera-t-elle faite elle-même? Gardez et promenez autour du monde, le souvenir d’un ami très fidèle et très ardent, et croyez bien que de tout cœur je vous accompagne – même s’il m’arrive, d’une façon ou de l’autre, de vous dire «Monsieur». Votre Pierre.

427. Pierre Bertaux an C.H.B.

Paris XVIe, 5, rond-point Bugeaud, 29.20.1931 Fondation Thiers

Bien cher et grand ami –

Votre carte m’a fait un extrêmement grand plaisir, en arrivant en même temps que les deux premières parties de votre relation de voyage. Autant j’étais heureux de vous suivre dans les péripéties de votre tour du monde, auquel je regrette bien de ne pas avoir participé, autant cela m’a touché que vos amis gardent pour vous, si loin, leur »présence réelle». C’est encore ce vieux mot des mystiques qui rend le mieux le sentiment qui se rit (?) des distances, et passe les océans sans rien perdre de sa chaleur. En ce moment, j’ai plusieurs amis sur les mers, l’un entre Amsterdam et Hambourg, l’autre entre Bordeaux et Lisbonne, un autre encore entre Marseille et Montevideo. Les liens de mon amitié semblent se tisser sur le globe, et reconstruire le monde à mon usage, qui sait? Peut-être m’arrivera-t-il un jour prochain d’explorer moi-même « mon » univers, celui qui s’est pour moi recomposé.

Pour l’instant, je me suis installé dans ma nouvelle demeure. Il est étrange de sentir venir le moment de quitter ceux avec qui l’on a le plus vécu – sans que soit diminuée en rien l’affection, sans qu’autre chose de plus tentant vous attire – simplement parce que l’on sent nécessaire une solitude au centre de laquelle on capte les radiations, d’où qu’elles viennent –où, peut-être aussi on puisse rayonner plus librement, agir tout autour de soi. Il est des combats qu’on doit livrer seul. Ceux qui sont chers ne peuvent être autre chose que des recours, des aides lointaines. Mais c’est là beaucoup déjà, le plus, sans doute, qu’on puisse faire entre hommes.

C’est une grave expérience que celle que je commence; il est dangereux, pour l’amitié, que d’habiter ensemble. Et pourtant huit jours ont passé depuis que je me suis installé ici avec Jean Baillou – nous sommes plus liés que jamais, après quelques batailles livrées – je vous conterai cela cet hiver – et il n’y a plus que la longue suite de temps qui puisse venir affadir notre affection, après les épreuves qu’elle a subies.

Matériellement, je suis très bien ici. Une cellule un peu, pas trop austère, beaucoup de commodités matérielles, l’existence assurée s’il n’intervient pas de cataclysme d’ici trois ans – et s’il y a la Révolution, je fonde ici le Soviet de Paris –Ouest. Pour l’instant, je suis exactement à l’une des extrêmités de la plus belle avenue du monde, qui va de Concorde à l’Etoile et à la Porte Dauphine. C’est à ce bout là que je me trouve, à 100 mètres du Bois de Boulogne, dans un bel hôtel de la fin du siècle dernier, composé essentiellement d’un immense escalier central, avec tout autour les demeures de quinze jeunes intellectuels, juristes, savants, philosophes, tous profondément absorbés par leurs travaux. Moi-même, je viens de reprendre Hölderlin avec la plus profonde joie de me sentir si souvent proche de lui. C’est en tout cas avec une respectueuse adoration que je l’aborde, et mon geste, bien qu’universitaire, n’aura, je l’espère rien de sacrilège.

Un de vos amis, Karl Gustav Gerold, est venu me voir avant-hier. Il a l’air extrêmement sympathique, bien qu’ayant besoin de voir où doit s’exercer l’esprit critique, dont il n’a – pas, soit pas encore les applications indispensables. Je ferai de mon mieux pour lui être utile.

Je vais aller voir Pierre Viénot la semaine prochaine. Nous parlerons de la situation générale, qui est plus que jamais passionnante, et dont j’ai suivi l’évolution d’aussi près que je le pouvais. Nous parlerons aussi de vous, cher ami, que j’espère bien voir longuement cet hiver à paris. N’oubliez pas que vous avez parlé de Février ; ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

Mes parents se joignent à moi.Je sais que vous n’ignorez pas mon affection. Je sais que vous ne m’oubliez pas. Que faut-il de plus? Peut-être vous dire merci, et faire des vœux, de tout cœur, pour la suite de votre voyage. Pierre.

428. Pierre Bertaux an C.H.B. Paris, 29.11.1931

Un mot seulement, bien cher ami, pour vous remercier de votre correspondance, que je suis avec passion et regret. C’est avec une bien grande affection que je pense à vous, en des jours un peu difficiles, qui ont sans doute l’avantage de me rendre pour longtemps et tout entier à Hölderlin. J’ai fait ces derniers temps l’épreuve de ce qu’est l’amitié, qui est une bien grande chose. Nous nous sommes trouvés quatre …

C’est beaucoup. C’était une belle expérience, que de se trouver à toute heure du jour et de la nuit, quand l’un avait besoin de l’autre, ou des autres.

Il était normal qu’alors je pense beaucoup à vous, qui savez le prix des choses, avec une grande joie. Votre Pierre Bertaux.

429. Pierre Bertaux an C.H.B. Paris, 27.5.1932

Très cher ami,

Depuis plus d’un mois, j‘ en’ai pas écrit une seule vraie lettre ; je veux que la première soit pour toi.

Il est inutile que je te fasse un rapport détaillé de ce que j’ai fait depuis que nous nous sommes quittés ; et pourtant ces récits simples sont encore ce qui permet le mieux, peut-être, de garder le contact – un contact que je voudrais ne jamais perdre avec toi. Mais cette fois ci, l’essentiel est certainement la campagne que Pierre Viénot t’auras contée. Merci d’ailleurs des quelques mots que tu lui as dits sur ce qu m’a poussé à travailler avec lui. Certainement j’ai été amené à collaborer avec Pierre un peu par ambition, avec l’arrière-pensée qu’un jour je ferais ce métier pour mon compte. Mais c’est ce qui a le moins pesé dans mon choix. Il y avait assez d’autres choses. Sans parler de l’affection que j’ai pour Pierre et pour Andrée, – cet élément était le plus lourd – il y avait le sentiment qu’il fallait aider le camarade ; c’était la première fois de ma bie que je «faisais équipe» – et je crois que l’équipe n’est pas mauvaise ; elle a en tout cas travaillé dans la joie, – la joie de se sentir travailler.

Et puis, et puis, c’était aussi la première fois que j’avais un contact véritable avec le peuple, et je me suis attaché à ceux que j’ai connus; – je crois que je me les suis attachés aussi, quelque bref qu’ait été le contact. Il y a des hommes admirables, parmi les militants socialistes.

Je consens que ce ne soit pas entièrement leur faute (leur mérite) et que les circonstances de la vie les obligent à être admirables, tandis que nous autres pauvres intellectuels, sommes lourdement handicapés. N’empêche que c’est une grande satisfaction que de rencontrer des hommes.

Des hommes d’ailleurs qu’on ne peut prendre uniquement par les sentiments tendres, et qui souvent sont plus sensibles à l’autorité qu’à l’affection; qui veulent plus aimer qu’être aimés. (En quoi ils ont bien raison?)

Certes, c’est un service à rendre à ceux que l’on aime, que de se rendre indépendant d’eux, plus fort qu’eux ; ils vous sont plus reconnaissants de votre force que de votre tendresse.

Pardon du niveau tout élémentaire de ces considérations pour toi banales, pour moi neuves. S’il était besoin de me consoler de cette banalité, je me rappellerais que Hölderlin n’a écrit à 31 ans cette phrase, que je découvrais ce matin même :

Ich meinte immer, um in Frieden mit der Welt zu leben, um die Menschen zu lieben und die heilige Natur mit wahren Augen anzusehen, müsse ich mich beugen, und, um andern etwas zu seyn, die eigene Freiheit verlieren. Ich fühle es endlich, nur in ganzer kraft ist ganze Lieb; es hat mich überrascht in Augenblicken, wo ich völlig rein und frei mich wieder umsah. Je sicherer der Mensch in sich und je gesammelter in seinem besten Leben er ist, und je leichter er sich auf untergeordnete Stimmungen in die Eigentliche wieder zurückschwingt, um so heller und umfassender muß auch sein Auge seyn, und Herz haben wird er für alles, was ihm leicht und schwer und groß und lieb ist in der Welt.“

Je te fais cette longue citation, pour t’amener ainsi à participer à ce qui me tient à cœur, à mon travail, et à te montrer comment tout ce que je fais se rejoint en moi, converge en moi et se compose. Quelques diverses que soient les occupations que l’on peut avoir, ne doivent-elles pas ainsi confluer, se trouver réduites à un commun dénominateur, qui est ce sujet de l’expérience ? Le mot d’expérience est dangereux; il pourrait faire croire à un désir d’expérimentations curieuses ; mais tu sais qu’il s’agit de «Erlebnis».

Je me laisse entraîner à ma pente, et je disserte, je raconte, je bavarde ; mais je ne sais rien qui soit plus immédiatement moi, rien que je désire plus te livrer, que quelques réflexions – quelques prises de conscience.

Depuis que je suis revenu de Ronoi, je me suis enfermé, retiré, replié sur moi-même. Je veux résister à la terrible dispersion qui nous guette. Je ne vois que quelques amis, les meilleurs, et peu – j’ai entendu deux concerts, en particulier Kreisler – j’ai surtout vécu avec Hölderlin. Je veux écrire à ton ami Rommel dès que j’aurai lu sa brochure, d’ici quinze jours je pense ; mais il ne sera plus à Heidelberg. On lui fera suivre son courrier ?

Quelques journaux m’informent très mal de ce qui se passe en Allemagne ; il semble qu’on doive être très inquiet. Je pense voir Pierre bientôt, qui me dira ce qu’il aura vu.

Bien cher ami, je songe aux jours passés ensemble à Paris, si agités et si denses. Il est vrai qu’ils ont été courts, et placés en ces bizarres circonstances. Veux-tu me croire toujours très affectueusement tien?

Et présentez mes hommages à Madame Becker, et me rappeler au bon souvenir des tiens?

Et grand merci de l’accueil fait à mon père.

Ton Pierre Bertaux.

430. C.H.B. an Pierre Bertaux, Fondation Thiers Berlin (?), 22.6.1932

(Maschinenkopie)

Lieber Freund!

Heute erhältst Du keine Antwort auf Deinen wundervollen, freundschaftlichen Brief, auf den ich Dir lieber mit der Hand persönlich antworte. Heute nur eine ganz technische Anfrage. Kennst Du vielleicht irgedeine gute französische Familie, die für die Monate August, September, Oktober, einen älteren deutschen Studenten aus erstem Hause aufnehmen würde? Es kämen etwa 200 RM Pension pro Monat in Frage. Es kommt ihm hauptsächlich auf Familienanschluß an, da er für künftigen Bankdienst nach Abschluß seiner Studien die modernen Sprachen beherrschen muß. Englisch spricht er bereits perfekt. Bemühe Dich nicht, wenn Dir nicht gerade etwas einfällt. Es ist ein netter Junge; er heißt Wolfgang Sintenis.

In herzlicher Zuneigung, wie stets Dein getreuer C.H.B.

 

431. Pierre Bertaux, Fondations Thiers. Paris, 10.7.1932

Cher ami,

Ceci est également une lette toute pratique : Certainement ton ami qui cherche une famille française trouvera quelque chose – s’il n’a encore rien sous la main, je peux lui recommander un mien ami, Philippe Wolf, jeune imprimeur de 22 ans, très intelligent et cultivé, que j’aime beaucoup et qui le recevrait dans les conditions suivantes.

Philippe habitera en Août et Septembre tout au moins à la campagne avec sa femme et son fils (mon filleul) de trois mois, dans une maison qui appartient à sa mère, et qui est en lisère de la forêt de Montmorency, à 10 minutes d’une gare qui mène rapidement à St. Lazare. D’ailleurs sous les matins Philippe va en voiture à ses affaires, revient le soir, et transporterait ton ami.

Si Wolfgang Sintenis est intéressé, qu’il écrive donc à Philippe Wolf, 69 rue Brancion, Paris. D’ailleurs ils pourraient faire un essai d’un mois, et voir si cela leur convient.

Questions personnelles : je pars dans trois jours pour Lescur- Basses-Pyrénées, où je resterai jusqu’au 15 Août, puis je prends la route : Espagne et Portugal, jusqu’au 20 septembre. L’année ici s’achève très bien.

Pour cette histoire dont je t’avais parlé, après avoir été à peu près engagé pendant quelques semaines, nous avons rompu, et cette fois définitivement. Il n’y a plus à revenir sur cela. Je crois que la solution, pour négative qu’elle soit, est bonne – et je te l’annonce.

Songe toujours à ton ami très fidèle et affectueux. Pierre.

P.S.1. Je reçois un mot de Picht, qui donne signe de vie. Je dois lui téléphoner demain.

P.S.2. W.Sintenis voudrait-il écrire en anglais à Philippe W.?

432. Karte von Pierre Bertaux. Coimbra, Universität (P), Anfang September 1932

Merci beaucoup de ta carte, qui m’a joint à Porto. Un mois de montagne, et déjà quinze jours de route quotidienne – me voici pratiquement absent d’Europe depuis six semaines, et les mauvais démons sont à peu près chassés. Je pense à ceux que j’aime et qui m’aiment avec simplicité, et le poids des mots ne m’encombre plus, dans ma vie de sauvage.

Te verrai-je bientôt ? Si je vais à Berlin en Octobre, y seras-tu?

J’espère que tu me sais toujours ton très tendrement dévoué Pierre.

433. C.H.B. an Pierre Bertaux. Berlin (?), 9.9.1932

Maschinenkopie

Mein lieber Pierre!

Noch immer habe ich Dir nicht persönlich geschrieben und schon wieder komme ich mit einer Bitte. Ein Neffe von mir, Günther Becker, der Sohn meines jüngsten Bruders, ist zur Zeit in Paris, und ich würde so sehr gern haben, daß Du ihn kennen lerntest.

Es ist ein ungewöhnlich gescheiter, sehr musikalischer und auch persönlich sehr netter Mensch. Er studiert Chemie und steht vor dem Abschluß; er ist ungefähr gleichaltrig mit Dir, vielleicht etwas jünger. Ich höre erst jetzt, daß er in Paris ist, wo er sich nur für wenige Wochen aufhält, aber ich möchte ihm doch gern Gelegenheit geben, Dich kennen zu lernen, und Dich wird es vielleicht amüsieren, einmal jemand von meiner Familie zu sehen. Günthers Adresse ist die folgende: Société Anonyme d’Exploitation des Procédés Lurgi, Paris, Rue de Richelieu. Ich schreibe ihm mit gleicher Post, daß er sich mir Dir via Sèvres telefonisch in Verbindung setzt.

Mir geht es sehr gut; ich bin jetzt zurückgekehrt und schreibe Dir bald ausführlich.

Von Herzen Dein getreuer (C.H.B.)

P.S. Dieser Brief war noch nicht unterschrieben, als Deine Karte aus Portugal eintraf. Ich habe meinem Neffen sofort geschrieben, daß Du zur Zeit noch nicht in Paris seiest, daß er aber vor seiner Abreise doch noch versuchen sollte, Dich zu treffen. Ich freue mich von Herzen der schönen Ferien, die Du hattest und schreibe Dir nun wirklich bald persönlich.

 

434. Pierre Bertaux, Fondation Thiers an C.H.B. Paris, 19.10.1932

Bien cher ami,

Ceci n’est qu’un mot rapide: je pense aller à Berlin vers le début de mois Novembre, pour quinze jours à trois semaines – J’en suis très heureux.

Merci beaucoup de tes vœux, les seuls, avec ceux de mes parents, qui m’aient été exprimés. Je dois dire qu’ils n’étaient pas inutiles, car j’étais un peu consterné par la facilité avec laquelle on double le cap du quart de siècle.

Je travaille en ce moment, je vais à Berlin pour travailler – sans beaucoup d’enthousiasme, mais on ne supporterait pas une joie trop constante, sans doute.

Mais de tout ceci nous parlerons bientôt. J’aurais voulu te répondre en Angleterre, mais ne n’ai pu exactement déchiffrer ton adresse.

J’ai été désolé de manquer ton neveu à Paris, qui m’a écrit une lette charmante.

Très affectueuses amitiés, et à très bientôt. Ton Pierre.

435. C.H.B. an Pierre Bertaux. Berlin (?), 26.10.1932

Maschinenkopie

Lieber Freund!

Zwischen zwei Reisen kurz die Bestätigung Deiner beiden Briefe. Ich freue mich riesig, Dich vom 5. November ab für längere Zeit in Berlin zu wissen. Wir werden dann manche schönen Stunden zusammen haben.

Ich fürchte allerdings, daß ich Deinen Freund Roger Martin Du Gard versäumen werde, da ich heute für den Rest der Woche nach Hamburg fahre.

In aller Eile mit herzlichen Grüßen Dein getreuer (C.H.B)

 

436. Pierre Bertaux, Fondation Thiers, an C.H.B. Paris, 20.12.1932

Maschinenmanuskript

Bien cher et grand ami,

Un mot seulement, d’excuses, pour ne pas t’avoir écrit encore – et pour ne pas t’écrire encore cette fois – une vraie lettre.

Mon retour en avion a été excellent, un enchantement, une révélation. Ce n’est pas un voyage, c’est une courte promenade. Ce n’est plus rien que d’aller passer trois ou quatre jours à Berlin – plus rien, qu’une question d’argent.

Ayant eu si peu le sentiment de voyager, j’ai eu beaucoup plus le sentiment d’une difficile réadaptation à Paris, que décidément je n’aime pas. Pourtant, ce qui s’y passe est très intéres-sant, et en particulier les discussions politiques entre jeunes y ont beaucoup de niveau.

Je passe en général la journée seul dans ma chambre, le soir seulement je me mêle à la vie extérieure. J’ai l’intention d’essayer de finir mon travail en dix-huit mois ; c’est impossible, mais cela me pressera d’aboutir, et il est nécessaire d’aboutir vite.

D’ailleurs c’est encore sans doute la chose qui me tient le plus au cœur. Suis-je très indifférent ? Dur ? Ces nouvelles venaient-elles à un moment où je me concentrais sur cet effort de réadaptation ? Au fond, je n’ai eu qu’un choc nerveux et physique en apprenant deux nouvelles : cette jeune fille dont je t’avais parlé, qui était dans une clinique, en rentrant chez elle, provisoirement guérie, s’est tuée d’un coup de revolver. Et mercredi dernier, Denise Supervielle a eu une crise d’appendicite compliquée de péritonite ; on a dû l’opérer d’urgence ; on considère maintenant qu’elle est hors de danger.

Sais-tu que les cinq semaines que je viens de passer à Berlin m’ont profondément marqué ? Je m’aperçois maintenant en faisant le point. Je t’en parlerai sans doute.

Politiquement, le désordre est grand, et je me hâte d’en rire. Il n’y a pour l’instant rien d’autre à faire.

Vu l’ami Pierre, qui fait consciencieusement son métier. Pas encore parlé des questions marocaines et algériennes ; demain, sans doute.

Considère que ce mot est provisoire, arraché à l’instant, fais-moi confiance, et crois-mois toujours le même.

(Handschriftlich) Très affectueusement Pierre.

P.S. Sais tu que ta dédicace sur la conférence en italien m’a profondément touche ?

437. Pierre Bertaux , Fondation Thiers, an C.H.B. Paris, 6.1.1933

Bien cher ami,

En ce moment, je suis seul, et d’assez triste humeur. Aussi tu ne m’en voudrais pas d’être peu lyrique et peu bavard.

Depuis que je suis rentré, je me retranche de plus en plus dans ma solitude. Tu connais ma chambre ; je m’y enferme quelquefois quatre ou cinq jours de suite, presque sans mettre les pieds dehors. Je n’écris pas, j’ai une phobie du téléphone. Le résultat ne se fait pas attendre. Les amis commencent par se vexer, puis se décommandent, et déjà m’oublient. Comme je suis fort « menschenscheu », en ce moment du moins, j’en suis bien aise.

Il pèse une atmosphère de catastrophes privées et publiques ; où qu’on se tourne, des drames, des morts, des accidents.

Une seule chose heureuse: la carrière de Viénot, après sa brillante intervention à la Chambre, s’annonce aisée, rapide.

Ma carrière aussi s’annonce assez bien, si du moins j’arrive à sortir quelque chose de propre d’ici 18 mois. Aussi j’y travaille.

Viénot dit que la chose à faire, pour organiser ton voyage, est de t’adresser à Roland de Margerie, de façon à ce que ton voyage en Afrique du Nord soit convenablement préparé.

Veux-tu me rappeler au bon souvenir des tiens –(est-il nécessaire de formuler en ce jour de l’An les vœux que je fais tous les jours ?) –

et croire à mon fidèle affection. Pierre Bertaux


1 In Berlin bereitete Bertaux, später Germanistikprofessor in Paris, wohl seine Diplomarbeit vor, 1930 stellte er sich dem Concours d’agrégation, ein ziemlich hartes Auswahlverfahren für die Elite der Studenten. Nur die verfügbaren Stellen bestehen; es gibt auch Bi- und Tri-Admissibles, die sogar ein gesteigertes Gehalt erhalten – immerhin müssen sie sich ein weiteres Jahr vorbereiten. Ich unterrichtete in Bordeaux u..a die Licenciés in mittelalterlicher Literatur, die seit je auf dem Programm der Germanistik auf dem Niveau Agrégation steht.

2 Handschriftlich beantwortet in Marienbad 16.7.1928. C.H.B.

3 Beantwortet handschriftlich 25.1.1931. C.H.B.

4 Beantwortet 31.7.31

Schulrat Bonitz, 1928

HA.VI. Nachl. C.H.Becker. Rep.92. Becker B. Nr. 7902

419. Schulrat Bonitz an C.H.B. Naumburg/Saale, 25.5.1928

(Maschinenmanuskrpt)

Hochverehrter Herr Minister!

Hiermit erlaube ich mir, Ihnen den stenographischen Bericht über Ihren Vortragsabend in Naumburg zu überreichen. Durch die Erkrankung des Stenographen, des Lehrers Böttcher in Schkölen, hat sich die Umsetzung in die Schreibschrift etwas verzögert.

In aller Ehrerbietung und Dankbarkeit (gez.) Bonitz

Anlage

Vortragsabend in Naumburg am 17. Mai 1928

Vorsitzender:

Meine Damen und Herren! Im Namen der Deutschen Demokratischen Partei eröffne ich die Versammlung und begrüße Sie. Im besonderen begrüße ich den Vortragenden dieses Abends, Herrn Staatsminister Prof. Dr. Becker. Wenn eine Partei wie die demokratische zu ihren Gründern einen Friedrich Nauman zählt, dann ist es nicht verwunderlich, daß diese Partei den größten Nachdruck auf die Kulturpolitik legt. Wir sind nicht derart, daß wir irgend eine Formaldemokratie verherrlichen oder pflegten! Wir halten dafür, daß unsere Hauptaufgabe ist, die innersten und innerlichsten Kräfte unseres Volkes emporzuentfalten, damit die demokratisch-republikanischen Formen von diesen Kräften geschwellt, getragen und belebt werden. Und bei dieser Pflege der inneren Kräfte vertreten wir die Meinung, daß es nicht nur eine Treue gibt, die am Vergangenen geübt wird, und die sich weniger den Einrichtungen der Vergangenheit als vielmehr ihren wertvollen Kräften zu widmen hat, sondern daß es vor allen Dingen auch eine Treue zum Werdenden gibt, zu dem, was da werden soll und muß, damit unser Volk wieder aufsteigen kann. Wir huldigen dieser Hinsicht dem Wort:

Wir aber müssen bei der Arbeit lauschen,
Wohin die heiligen Ströme wollen rauschen.’

Lauschen den heiligen Strömen, die aus dem Urbrunnen des Lebens strömen, aus dem Urbrunnen der Gottheit, einer Gottheit, die nicht bloß vor Tausenden von Jahren zu dem Menschengeschlecht gesprochen hat, sondern die heute ebenso und sehr vernehmlich zu uns spricht!

Die Deutsche Demokratische Partei hat sich hinter diesen Kultusminister gern und mit voller Überzeugung gestellt und sein Werk gestützt, weil wir in ihm einen Mann sehen, der die Individuallage unseres Volkes unter den Völkern erkannt hat, einen Mann, der die inneren und innerlichsten Kräfte durch seine Einrichtungen mobil machen möchte, einen Mann, der die rechte treue am Werdenden übt und darüber nicht vergißt, auch den wertvollen Kräften, die in der Vergangenheit Großes geleistet haben, die Treue zu halten. (Vortrag liegt nicht bei!)

 

420. Schulrat Bonitz an C.H.B. Naumburg, 7.6.1928

(Maschinenmanuskript)

Hochverehrter Herr Minister!

In den Anlagen übereiche ich Ihnen zwei Presseäußerungen. Die Gehässigkeit des Naumburger Tageblatts ist so dumm und gemein, das selbst politische Gegner mir gesagt haben, daß sie sich von solcher Art der Berichterstattung angeekelt fühlten. Ein Bekannter von mir hat auf diesen Bericht hin das Naumburger Tageblatt abbestellt und liest es nicht mehr.1

Der Volksbote ist das SPD-Blatt der Landschaft.

Ich habe bei dem Naumburger Tageblatt Einspruch gegen eine derartige Berichterstattung erhoben. Leider ist es bei der Haltung dieser Zeitung nicht möglich, darin zu Wort zu kommen. – Der Artikelschreiber des Volksboten dürfte ein hiesiger Volksschullehrer sein…

In aller Ehrerbietung (gez.) Bonitz.


1 Im Dankschreiben Beckers bzw. des Ministeriums heißt es: Die Berichterstattung im Naumburger Tageblatt richtet sich selbt.

Schloßschule Salem, 1924

HA VI Nachl. C.H.Becker. Rep 92 B. Nr.6283

375. Staatsekretär Professor Dr. C.H. Becker an Prof. Otto Baumann, Schloßschule Salem. Berlin, 5.1.1924.

(Maschinenkopie)

Hochverehrter Herr Professor!

Als einer der Väter, die ihre Kinder der Salemer Schloßschule anvertraut haben, bin ich Ihnen dankbar, daß Sie mich sofort von den Angriffen in Kenntnis gesetzt haben, die in letzter Zeit in der Salemer Presse laut geworden sind. Diese Angriffe haben mich um so mehr überrascht, als ich anläßlich der Beerdigung des unvergessenen Geheimrat Reinhardt zu beobachten die Gelegenheit hatte, daß dieser bedeutende Pädagoge, der sein letztes großes Lebenswerk in der Schloßschule errichtet hatte offenbar von dem ganzen Salemer Tal aufrichtig betrauert wurde. Die Angriffe müssen also wohl von zugewanderten und völlig unorientierten Leuten ausgehen; denn die urdeutsche und echt badische Bodenständigkeit der Schloßschule ist doch für jeden Sachkenner ebenso augenscheinlich, wie der vaterländische Tradition und Aufgeschlossenheit für die Gegenwart harmonisch verbindende Geist, in dem sämtliche Pädagogen der Anstalt sich zu einzigartiger Gemeinschaft zusammengefunden haben. Was Sie und Ihre Mitarbeiter, insbesondere auch Herr Kurt Hahn, in Salem an Erziehungsarbeit leisten, darauf ruhen die Augen des ganzen pädagogisch interessierten Deutschlands. Ich habe seit der Begründung der Schloßschule diese Arbeit verfolgt und darf Ihnen bei dieser Gelegenheit wohl aussprechen, daß ich nicht nur als sachverständiger Fachmann der in Salem geleisteten Arbeit höchste Anerkennung zoll, sondern daß ich auch als Vater die praktische Konsequenz daraus ziehe und Ihnen nun bereits das zweite Kind anvertraut habe, das ich mir körperlich, seelisch und geistig nirgendwo besser aufgehoben denken kann als in der Salemer Schloßschule. Was hier, namentlich auch unter Herrn Hahns sittlichem und patriotischem Einfluß, den Kindern an erziehlichen Werten der Gemeinschaft geboten wird, geht weit über das hinaus, was das harmonischste und gebildetste Elternhaus bieten kann.

Sollten die Angriffe gegen die Anstalt Ihnen eine Bekanntgabe dieses Briefes wünschenswert erscheinen lassen, so bitte ich Sie, jeden beliebigen Gebrauch von ihm machen zu wollen.

Mit den besten Wünschen für das bevorstehende Abitur und für die endgültige Neuregelung der Leitungsfrage

In besonderer Hochschätzung Ihr ergebenster (C.H.B.)

Gertrud Bäumer, 1929-33

HA VI Rep.92 Becker B.Nr. 6273

315. MdR Gertrud Bäumer1 an C.H.B., Kultusminister. Berlin 28.8.1929

(Maschinenmanuskript)

Verehrter Herr Minister!

Wenn ich Ihnen das beiliegende Manuskript übersende, so geschieht in der Annahme, daß es Sie interessieren wird, das von Ihnen geprägte Wort vom dritten Humanismus schon in der internationalen Diskussion zu finden. Bei dem Internationalen Kongreß für Pädagogik in Genf Ende Juli hat Albert Thomas, der Direktor des Internationalen Arbeitsamtes, einen der Hauptvorträge über das Bildungsproblem des Arbeiters gehalten und in diesem Vortrag das Stichwort vom „neuen Humanismus“ programmatisch gebraucht. Ich habe in meinem Vortrag über die Verbindung von beruflicher und allgemeiner Bildung dieses Stichwort von Thomas aufgenommen, und darum dachte ich, daß das Manuskript Sie interessieren würde. Es ist in englischer Sprache, weil nur von der englischen Übersetzung, die ich selbst angesichts des zu 47 % angelsächsischen Publikums gegeben habe, mir eine Nachschrift zur Verfügung stand.

Es war sehr interessant, wie auch in verschiedenen Ansprachen das gleiche Problem aus dem pädagogischen und schulorganisatorischen Entwicklungsstand der verschiedensten Länder, – auch des Ostens – auftauchte.

Ich brauche das Manuskript nicht zurück.

Mit verbindlicher Empfehlung (gez.) Gertrud Bäumer

 

316. C.H.B. an MR’ Dr. Bäumer, MdR. Berlin, 12.9.1929

(Maschinenkopie)

Sehr verehrte gnädige Frau!

Von einer Auslandsreise nach Berlin zurückgekehrt, fand ich hier Ihre freundlichen Zeilen vom 28. August d. Js. vor, für die ich Ihnen verbindlich danke. Das ihnen beigefügte Manuskript habe ich mit lebhaftem Interesse gelesen.

Natürlich bin ich mit der Tendenz sehr einverstanden, namentlich auch mit der Schlußforderung der einheitlichen Leitung der Allgemein- und Berufs-Schulausbildung. Leider sind wir in Preußen davon noch weit entfernt. Ich wäre aber für jede Hilfe in dieser Richtung außerordentlich dankbar.

Mit verbindlichen Empfehlungen

Ihr sehr ergebener (C.H.B.

Anlage

Vortrag von Gertud Bäumer auf dem Pädagogik-Kongreß in Genf 1929

Mr. Albert Thomas at the end of his very impressive speech on Saturday has put the question, if in fact vocational toil for the great mass of the population engaged in industrial work can be the whole meaning of their life – if educators as well as social reformers have not to face a higher aim; man as he is in himself, in his own rights, his own pride an dignity, “the form complete” –as Walt Whitman says. And he spoke of a new educational ideal rising with the emancipation and social development of the working classes, which has already been given the name of the “new humanism”.

I want to stick to this word. For it is just the formula for the solution of the educational problem of which I have to speak: the problem how to combine the proper equipment of the young people for the battle of life with that deeper an more general culture of their personality, which from a higher, not purely utilitarian, point of view, for the sake of the dignity of human life has to be indispensable and everlasting key-aim of education. And we have to face this task not only as a question of the preservation of “humanities” in the schemes of higher or university education, but also – and chiefly – as the quite new and modern question, how to give this culture to the masses together with that just as indispensable vocational training in the work they are likely to follow.

In all countries, whose economic and social life has been shaped by technical development, we note an ever-growing tension between the rising exigencies of vocational life on education and the worker’s performances and the ideals of broadness and totality of human and personal culture. The question, how to adapt the educational system to these economic necessities and at the same time preserve space for the human culture of body and soul and for the training of the spiritual and moral forces needed by the community just as badly as practical faculties – this has put himself as the very central problem of the construction as well as of programs and methods of the educational system. Discussion in all countries is full of these problems – in the newspapers as well as in the deliberations of educational circles and administrations.

  • On the one side the complaints of the so called practical people, that schools in devoting too much of their time to “useless” subjects, do not properly equip their scholars for life,
  • on the other side the struggle of the teachers to persuade the public of the worth of culture for its own sake, –

  • on the one side the obstinacy of old tradition against the necessities of a fundamentally changed world,

  • on the other a rather flat and short-sighted under-appreciation of everything that is not “useful” in a very primitive and superficial sense of the word.

It is one of the fatal effects of this cruel commercial rivalry and this passionate and frenzies struggle between Nations that everywhere man is sacrified to business and industry. Production can’t – even if it would like to – escape the incessant urge of competition to raise its efficiency by rationalising, even if this efficiency can only be attained at the price of degrading man – as Mr. Thomas has pointed out – into an annex of the machine. Certainly – the psycho-technical science – beginning with its American pioneers – has begun to realise that the working man is not simply a mechanical force, but a living being with a soul, but investigations into the nature of this living instrument of production only goes as far as its use as working force is concerned, and the statements on the motives and moves of this production instrument end with the last stage of the assembly line. The psycho-technical science is indifferent towards the workers as fathers and mothers, sons or daughters, neighbours or citizens. It is not interested in their taste and thirst for the treasures of culture, or in the deeper questionnings on life stirring within them, or the great thoughts of eternity coming to them.

Everywhere we see two stages in the development of education. In the historical beginnings of the public school-systems – be their roots founded in a want of religious or of civic education – they certainly aimed at a general human education, be it ever so simple and primitive, and did not take the child merely as a future worker. The ascent of education from the elementary school to College and University meant an increasing and deepened cultivation of what the Romans called “humanitas” – an educational ideal and a name that have been preserved in the European educational systems.

This development is interrupted and even broken off by the irresistible claims of the new professional life. The professional system under the influence of applied science has become at the same time immensely specialised, subdued to a whirl of incessant changes and, being splintered up in endless purely mechanic occupations, yet as a whole intellectualised.

The educational systems adjusted themselves, at first hesitatingly, then rather rapidly, to these new circumstances. Today we see an immense increase of professional and technical training in all countries, together with the organisation of vocational guidance and new and modern regulations of all sorts of apprenticeship. The expanding of the modern system of equipment for industrial life is on the point of overgrowing the traditional school system and yet is still far from its final standard.

This remarkable progress of vocational training in the last decades presents two aspects. On the one side it is part of an armament in the feverish economic competition of the nations; on the other side is a very valuable educational movement to meet new wants for skilled work in the best way and to give the young people in a rational and systematic form what otherwise they had to pick up by chance.

But while we are all still trying to meet the incessant demand for all kinds and types of vocational training, the question of the fate and everlasting right of the “humanitas” ideal is advancing upon us, strengthened by a new and very strong political reason: the progress of democracy and the political responsibility of all citizens for all the big questions of national life. The working man, who in his team work on the assembly line has to accomplish the same operation scores of thousands of times, as a citizen bears equal responsibility with the University man, and in many countries – for instance my own – represents the strongest political power. On his vote depend not only the questions of peace and war, of economic and social politics, but also the questions of education and culture. This means that his training cannot be confined to his outfit for work. He too has a right and a claim to this idea of “humanitas”, taken in the new and modern sense Mr. Thomas had in his mind, when he spoke of the humanism needed. With the traditional cultivation of “humanitas” at school there is connected the character of exclusiveness, the concentration of culture on a small class of people, leaving the thirst of improvement and knowledge of the multitude to that bit of elementary teaching given in the primary schools and to pure vocational drill. What we need is an education in “humanitas” that means raising the level of feeling and thought of the masses in a form adapted to their needs and to the necessities for their life, giving them, as Mr. Gilbert Murray said, higher wishes and surer beliefs.

In saying this I realise, that there is a great difference in the social conditions of Europe and the New World. In a country with so many unexploited possibilities and resources of the United States, with such confidence in still growing property you can encourage the largest numbers of students to work their way through college, and the main question seems to be to give everybody a chance to get on. I take from a little book of John Bunn the figure of students enrolled in Colleges and Universities of the U(nites) St(ates) is 500 000 on a population of 119 millions. Germany with a population of about half as many millions has only an enrolment of 112 000 in her Universities, which yet give rise to very serious anxiety, because it is undoubtedly much too large for the limited openings in higher professions. Therefore we have to try to confine the ascent to university to the very fittest – taking them of course from all classes of the people. And as far as I see the same rather tragic situation prevails in other European countries: that they have an expanding competition of highly trained intelligence and too little professional space for them.

But even if the percentage of candidates for higher professions could be raised much higher than it can be with the limited opportunities of Europe – the big mass still remains in the middle and lower sphere of professional life. And the great problem for all the countries is, how to raise the cultural level of these masses, without neglecting the urgent training for skilled work.

Now there are two ways possible to accomplish this.

  • The one is the prolongation of general and fundamental education before vocational training or professional work is beginning. I do believe that we must come to an obligatory school attence of nine years –combined with what Mr. Thomas asked for: a prohibition of child labour up to the fifteenth year.
  • But on the other hand I do not believe in the usefulness of encouraging or even compelling masses of practically gifted children to go through secondary schools, before they are admitted to certain professions or institutes for professional training. There seems to be after the war in European countries an overflowing of secondary schools by children, who are not of the intellectual type with which secondary educations as preparation for University must reckon and who are thrown out of their proper way, without being capable to perform really valuable work on their new lines. By these types the sharp division between the cultured and the uncultured classes will not be abolished, but embittered by disappointment and failure.

  • Therefore we must try an other way and that is to penetrate vocational training with sufficient elements of general culture, to “humanise” it – if I may take up once more the formula of the “new humanism”, that is to say to widen and to deepen it – in preserving its strictly professional character. Boys or girls have to be impressed throughout their professional training by the greater sphere of responsibility spreading all around their professional activities, being closely and by many organic relations connected with it, and demanding not only efficiency in work but a standard and an individual power of mental refinement, character and human and social value. I believe that the words of Walt Whitmann to a pupil still apply to the situation of labour in modern society: “Is reform needed? Is it through you? The greater the reform is needed the greater the Personality you need to accomplish it.”

This programme demands in some sense a new idea of culture. The academic man of Europe brought up on the venerable classical ideas of a spiritual culture based on philosophy and historical knowledge and thought, has some difficulties in catching up with another possibility: the educational ideal of a man who just like the artisan of the Middle ages is in every sense up to the demands of his circle of life:

 

  • as a worker,
  • as a citizen,
  • as a member of his church,

and impresses us with the simple harmony and the round efficiency of his life, without having gone all this long way through thoughts and arts and performances of all ages and Nations in order to be cultivated. We can’t under so changed and so much more complicated circumstances revive that man in his sane and simple totality – but we may create a modern type of him, and whoever on politics or other spheres of social life has come in touch with the representatives of labour of today, must know this modern type.

We must loosen this sharp division of one group of schools giving what we call “general education” and excluding strictly any professional aspect, even the general training of manual qualities – and another group giving nothing but vocational training without any broader background. We must realise, that human education of those masses of our young people who go to work from the primary school or after a very short vocational training cannot be achie-ved in that space of time that it demands a very systematic care of the age of manhood or womanhood.

Let me point out the chief items of what is necessary:

  1. a vocational guidance for the young people leaving the obligatory school, that is not only aimed at to finding them a job, but – in cooperation with the school – looks after their human qualities and bears in mind that the profession has to serve not only a means of their earning living but as the happy or unhappy sphere of all their active forces.

  2. An educational spirit in shops and factories and all places where young people are employed, whether they go through regular apprenticeship or whether they are and remain unskilled. We have before our legislation in Germany just now a new law, that does not only regulate apprenticeship after modern principles but charges the employer with a responsibility for the general bodily and mental welfare of all the young people, in their employ, apprenticed or not, beyond the mere questions of labour protection.

For a young boy or girl entering working life at fourteen or fifteen the question of further human development is a question of spare time. Children imprisoned in an eight hours work day without holydays besides Sundays cannot, with very few exceptions, be expected to have energies left for self-improvement and any concentrated work of self education. It is the tension between the perhaps often unconscious longing for it and the hard and tiring pressure of work that leads very often to the crisis of this age. That there really exists a very strong longing, a very strong feeling of a claim that youth has to all-sided human development, is shown by our youth-movement, that can be defined as a reaction of youth itself against the human shortcomings in the conditions of modern life. As to the labour-conditions their demand is that young people under eighteen should have paid holidays, and a great exhibition of all our youth-organisations last year has shown, that they are able to make use of these holidays in a way that all educators can only heartily endorse.

  1. The continuation-school, that has to be obligatory up to the eightieth year. There has been much discussion, whether the continuations-school had to be a prolongation of primary schools or part of a vocational education. The decision in Germany, though both forms are existing side by side, has, I may say, been given in the latter sense and the continuation-school is now called “Berufsschule”. But that does not mean that it is nothing but a complementary vocational training for the prentices and young workers. Its ideal is very clearly – and is ever more clearly worked out – to widen the aspect of the professional work which remains the centre of the continuation-school, by physical training, personal culture, civil education and a deeper understanding of the national roots of their existence.
  2. The programmes and methods of vocational schools, technical schools, schools of commerce a.s.o.. In these programmes and methods the tendency to develop a new type of “humanism” out of the very centre of practical efficiency has its broadest field of action. I do believe that for my country as well as for other European countries the most important and promising educational work is to be found here, in the raising of level of all these institutes not be merely multiplying and specialising the subjects, but by preparing a higher and broader conception of them.

  3. This can only be done by the qualification of the teachers. We train the teachers for our professional schools in vocational teachers-training-colleges (berufspädagogische Institute). To enter these institutes they must have the maturity for the University and at least two years of professional work or a training in a vocational school. The studies in the VTTrC take two years and we mean to extend them further to three years. The idea is, that these teachers have to combine the aspects of higher education with a perfect experience in the practical work, which their scholars want to learn. So, being at home in both spheres of education, they are enabled to educate the new type we want: a youth with a solid practical training, with all necessary qualities for nature of their education protected against the danger of being swallowed up by commercialism.
  4. One last item: in the question of administration. In my opinion, the merging of the two great aims of an educational system: practical efficiency and human culture can only be fully guarantied, if the administration of the vocational and the general branches of education at the centre is not separated. A vocational training system under the auspi-ces of industrial or commercial boards is always in danger of sacrifying the education-al to the purely utilitarian tendences. I would like to mention the brilliant speech with which Mr. Herriot in France defended the reform by which he put the vocational school system under the Ministry of Education.

Perhaps many of you think that there is too much idealism in the conception of this new humanism rising out the whirl and haste of industrial life, out of factories and shops and all the places of economic struggle. But as educators we have to look at the possibility with an eye of faith. For it is the only way, to revive the ideals which have once formed European culture, under circumstances, that must otherwise without doubt ultimately defeat them.

317. Gertrud Bäumer an C.H.B. Berlin, Charlottenburg, Fürstenplatz 1, 13.1.1933

Verehrter Herr Minister!

Ich danke Ihnen sehr für die Übersendung Ihres Aufsatzes, den ich in der Vossischen Zeitung schon gelesen hatte, und auch dafür, daß Sie mein Buch in Ihre Charakteristik einbezogen haben. Inder Beurteilung allerdings des Buches von Helbing stimme ich nicht ganz mit Ihnen überein.- Aber das ist zu weitschichtig für briefliche Darlegung.Vielleicht findet sich einmal eine Gelegenheit, darüber zu sprechen.

Mit verbindlicher Empfehlung (gez.) Dr. G. Bäumer


1 Gertrud Bäumer *1873 Bethel + 1954, führend in der deutschen Frauenbewegung, gab mit Helene Lange die Zeitschrift „Die Frau“ heraus (1931-44), MdR